Le monde à 1°C — Mai ‘17

Un résumé mensuel des impacts climatiques, des idées et de la résistance

Demand Climate Justice
The World At 1°C

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Translation below by Lise Masson. Original English version available here. If you would like to sign up for monthly bulletins plus more climate justice content direct to your inbox click here (COMING SOON).

Un peu d’espoir

Regarder en face l’ampleur de la crise climatique et de la toute puissance du capitalisme peut facilement mener à un sentiment d’anéantissement. Mais il est en fait nécessaire d’éprouver ce sentiment, pour que le status quo en lui même se maintienne. La conséquence est que la plupart des informations mises à notre disposition ne véhicule que ce qu’il y a de plus horrible, décourageant, et négatif, dans notre monde. On ne nous présente que les cas où la résistance paraît futile, et les alternatives inexistantes. Mais notre monde est plein de vie. Notre condition pleine d’espoir, et d’opportunités. La crise est réelle, oui, et elle est bel et bien apocalyptique. Mais il n’est pas pour autant nécessaire qu’elle s’aggrave jusqu’à nous submerger. Nous pouvons paver le chemin pour s’en sortir. Nous le devons.

Le futur est devant nous. Le futur est notre.

Technologie

Les énergies renouvelables continuent leur ascension prometteuse — à tel point que les deux ‘croquemitaines’ du climat, la Chine et l’Inde, se repositionnent rapidement, et aspirent à devenir des champions du climat. La Chine a augmenté sa production solaire de 80% sur les trois derniers mois seulement, avec notamment la plus grande centrale solaire flottante du monde. Ce mois-ci, le secteur de l’énergie en Inde effectue un nouveau tournant vers le solaire et l’éolien, le coût de l’énergie solaire publique devenant inférieur à celui du charbon. Le secteur de l’énergie renouvelable en l’Inde se développe tellement rapidement qu’à cette allure, le pays pourrait atteindre son objectif de 40% d’énergie renouvelable d’ici 2030 avec huit ans d’avance. De même en matiere d’electricite, le nouveau plan indien de développement pourrait permettre au pays d’atteindre 57% d’énergie renouvelable d’ici 2027.

Même les pays du Moyen-Orient, traditionnellement très dépendants du pétrole, jettent leur dévolu sur le renouvelable, avec de nouvelles recherches montrant que, non seulement la région pourrait passer au 100% renouvelable d’ici 2030, mais pourrait le faire au tiers du prix que les énergies fossiles leur coûtent. Ce mois-ci, l’Iran a approuvé un investissement de 3 milliards de dollars dans le renouvelable, et au Yémen des individus inspirants comme Anwar Al-Haddad ont déjà aidé la capitale, Sanaa, à s’approvisionner majoritairement en électricité solaire.

L’Organisation de l’Énergie Renouvelable d’Iran (SUNA) a un programme de tarif de rachat garanti pour booster son industrie solaire | Crédit: Middle East Institute

En Europe aussi, la révolution du renouvelable arrive à grands pas, même si ce n’est pas encore aussi rapide qu’on pourrait le souhaiter. Le renouvelable a constitué 90% de la nouvelle capacité ajoutée au réseau Européen l’année dernière. En mer du Nord, l’énorme parc éolien Gemini — capable de couvrir les besoins en énergie d’1.5 millions de personnes — est sorti des eaux. En Allemagne, la production de solaire et d’éolien a augmenté de 23% en avril, par rapport à l’an dernier.

Au même moment, les énergies fossiles sont progressivement éradiquées partout dans le monde (encore une fois, pas suffisamment rapidement). Le gouvernement chinois a suspendu de nouveaux projets de centrales à charbon dans 29 provinces, alors qu’en Corée du Sud le président a ordonné la fermeture des dix plus anciennes centrales à charbon d’ici la fin de son mandat, le pays luttant actuellement contre une accablante pollution de l’air. L’Indonésie aussi a réduit sa dépendance au charbon. Et même l’Arabie Saoudite cherche à limiter la production globale de pétrole.

Au Royaume-Uni, la banque multinationale Barclays a vendu ses parts de Third Energy, une compagnie qui veut exploiter le gaz de schiste au Royaume-Uni, après une intense pression du public. La concurrence grandissante des énergies renouvelables et de la réforme énergétique met la pression sur les énergies fossiles; un parc éolien australien a été vendu au prix par mégawatt le plus bas, et le premier parc éolien américain a contribué à la fermeture d’une centrale électrique au diesel à Rhode Island. Même le nucléaire s’effondre, pendant que les centrales coûteuses ferment, les énergies renouvelables deviennent plus abordables. Les marchés du pétrole aussi vacillent alors que la demande en énergies fossiles s’affaiblit — l’Agence Internationale de l’Énergie a revu ses perspectives en matière de demande d’hydrocarbures après des changements significatifs de politiques en Chine et en Inde. Les entreprises rejoignent également le mouvement, avec l’un des plus grands supermarchés du monde qui s’engage à approvisionner 100% de son énergie en renouvelables d’ici 2030, suivi par le fabricant de jouets LEGO.

Bien sûr, il ne faut pas s’emballer face aux promesses d’une quelconque technologie, mais cela n’empêche d’en apprécier les implications en aval, et de garder en tête ces signes encourageants. Des routes faites de plastique recyclé sont testées au Royaume-Uni; elles pourraient être moins chères, plus solides, et plus durables que les routes en asphalte. Les nouvelles tuiles solaires de Tesla ont été dévoilées, à des prix bien en dessous de ce qui était attendu. Les projets de parcs éoliens en haute mer repoussent les frontières des énergies renouvelables. Cependant l’évolution de notre système énergétique ne pose pas que des questions d’approvisionnement et de production propre, cette évolution doit aussi s’accompagner d’un questionnement sur la propriété de cette énergie, et plus précisément sur la propriété collective.

Alors oui, il ne suffit pas de réduire les émissions; les technologies et les politiques doivent aussi contribuer à l’adaptation à un monde à 1°C et à empêcher des pertes de vies humaines et non humaines additionnelles. C’est pourquoi en Inde, où plus de la moitié de la population vit en zone à haut risque de catastrophe, le gouvernement cherche à améliorer ses systèmes de prévention. Ce mois-ci, de nombreux pays se sont rencontrés à Cancun a l’occasion de la cinquième Plateforme Mondiale pour la Réduction des Risques de Catastrophe, en vue de développer des systèmes globaux de prévention.

Victoires légales et action directe

Bien que l’énergie renouvelable gagne du terrain, dans un inaltérable mouvement vers l’avant, ce n’est en soi pas suffisant. Les populations et leurs gouvernements, en tant qu’acteurs politiques, doivent s’engager directement dans la transformation du secteur énergétique et plus largement de l’ordre socio-économique. C’est ce que les citoyens suisses ont par exemple fait ce mois-ci, en votant un passage au renouvelable et une interdiction de toute nouvelle expansion nucléaire.

Après des années de lutte des mouvements populaires, un projet de loi visant à interdire la pratique de la fracturation hydraulique a enfin été adopté par parlement irlandais, permettant à l’Irlande de rejoindre la poignée grandissante de pays ‘frack-free’. De même, la pression exercée par des groupes d’activistes a forcé la plus ancienne banque d’Australie à réviser son plan d’action climatique, et de ce fait à retirer ses investissements dans la mine de charbon Adani. En Colombie Britannique, la Nation Tsleil-Waututh prend les devants dans la résistance contre l’oléoduc Trans Mountain de Kinder Morgan. Ils ont lancé ce mois-ci une nouvelle campagne visant à décourager les investisseurs potentiels.

Au Bangladesh, où on estime que 50 millions de personnes pourraient être déplacées par les changements climatiques d’ici la fin du siècle, les législateurs étudient la possibilité d’introduire une taxe carbone.

A Cumaral, en Colombie, des communautés organisent un référendum populaire pour interdire l’extraction de pétrole dans leur communautés locales. La Cour Constitutionnelle colombienne a déjà limité l’impact de cette l’industrie en reconnaissant des droits au fleuve Atrato ce mois-ci. Au même moment la communauté Ikebiri de l’état de Bayelsa, au Niger, a lancé un procès contre le géant du pétrole ENI pour demander que justice soit faite suite à des déversements de pétrole qui ont ruiné leur mode de vie, et leurs vies mêmes.

Parfois cependant, les communautés n’ont aucune voie légale viable a explorer pour que justice leur soit faite. Le seul recours qu’il leur reste est alors l’action directe. Au nord de la Malaisie, les communautés Orang Asli bloquent physiquement les routes pour empêcher les compagnies d’exploitation forestière d’accéder à leurs forêts, alors qu’en Irlande, des ‘women warriors’ — des guerrières — démontent des compteurs pour défendre leur droit d’accès à l’eau.

Des femmes désinstallent des compteurs d’eau pour protester contre la privatisation | Crédit: Irish Mirror

Mai a aussi été le mois de la Global Divestment Mobilisation — la Mobilisation Globale pour le Désinvestissement — avec des centaines d’actions autour du monde, demandant la rapide transition des énergies fossiles vers une énergie propre, et à travers l’Europe des réseaux populaires luttent directement contre les énergies fossiles — du Danemark à l’Estonie en passant par la République Tchèque et la Suède — avec succès.

Montrer l’exemple

En plus de lutter contre la destruction semée aux quatres coins du globe, les gens montrent aussi l’exemple à suivre en incarnant le changement qu’ils veulent voir dans ce monde. Dans l’état indien du Tamil Nadu, sévèrement touché par la sécheresse, et à l’aube d’une crise agraire qui pousse des agriculteurs désespérés au suicide, certains combattent la pénurie d’eau et les mauvaises récoltes par le recours à l’agriculture biologique; en revenant aux cultures traditionnelles qui leur permettent de faire face au manque d’irrigation et à une salinité croissante du sol.

Au même moment au Maroc, des mouvements de femmes font preuve d’un courage considérable et reconquièrent leurs terres, et à Haïti des petits agriculteurs utilisent des techniques agro-écologiques, la promotion d’un système de santé communautaire, et les banques de semences, pour lutter contre la pauvreté. Au Mexique, certaines communautés reprennent le contrôle de leurs forêts, un système qui porte ses fruits: assurer et respecter les droits des Peuples Indigènes sur leurs terres peut avoir un impact déterminant pour l’avenir de la planète. En effet, au Pérou, le premier Gouvernement Autochtone autonome, la Nation Wampis, a proclamé avec succès son droit de s’opposer aux géants du pétrole, impatients d’exploiter et de polluer leurs terres.

Ce qu’il faut retenir de tout cela, c’est que la plupart des mesures qui visent à améliorer les conditions de vie des populations, pourraient également contribuer à la lutte contre le réchauffement climatique, et l’adaptation à ses impacts. Par exemple, l’égalité des sexes peut sauver des vies en cas de catastrophe naturelle. De la même manière, venir à bout du racisme ne bénéficierait pas seulement aux populations et individus affectés par ce fléau, mais aussi au mouvement pour une agriculture durable, à la lutte pour une alimentation saine, nutritive, et abordable pour tous.

Les villes

Alors que les politiques globales de lutte contre le réchauffement climatique semblent constamment mener à la même impasse entre nations, au niveau local leurs villes prennent les devants. Par exemple, Barcelone développe un programme de transformation urbaine, mettant l’accent sur le droit à la vie communautaire et à un logement digne. De son côté, Oslo cherche à devenir la premiere ville au monde pourvue d’un système de transport à zéro émissions. Aux Pays-Bas, les villes dévoilent des plans de réduction des émissions ambitieux, et les déplacements à vélo sont de plus en plus courants à Bogota.

Bogotá s’est transformée en ville de cyclistes | Crédit: Bicycle Times

Une nouvelle étude de l’économiste de l’université de Stanford, Tony Seba, note que “Nous sommes à l’aube d’un des bouleversements des systèmes de transports le plus rapide, profond, et significatif de l’histoire… Les véhicules à moteur à combustion interne vont entrer dans un cercle vicieux d’augmentation des prix.” Les conséquences d’une telle transition seront décisives. D’après The Daily Telegraph, l’étude montre que “dans les huit années à venir, les ventes de voitures, bus, ou camions à essence et diesel vont s’effondrer partout dans le monde. Le marché entier du transport terrestre va passer à l’électrique, menant à un écroulement des prix du pétrole et à la fin de l’industrie pétrolière telle qu’on la connaît depuis un siècle.

Et comme si cela ne suffisait pas à témoigner de l’étendue du pouvoir qui est entre nos mains, ce mois-ci des Pacific Warriors — des Guerriers du Pacifique — ont visité les territoires des Premières Nations menacées par l’état pétrolier canadien dans une manifestation poignante de résilience et de dignité face à une menace existentielle, un exemple dont nous pouvons tous apprendre, et nous inspirer. Un autre bel exemple de réelle solidarité, pour la fête des mères aux Etats-Unis, une coalition du Movement for Black Lives a recueilli 250,000 dollars pour payer la caution de ‘Black Mamas’.

On peut voir l’Atlas mondial de la justice environnementale de deux façons. La première est d’y voir un monde opprimé, dévasté par les industries. L’autre consiste à y voir plutôt le témoignage de la volonté d’innombrables personnes, des personnes ‘ordinaires’, de prendre position pour protéger leurs communautés et sauvegarder notre planète.

Les ‘Pacific Warriors’ montrent leur solidarité avec les Premières Nations qui luttent contre les sables bitumineux et les pipelines au Canada | Crédit: Zack Embree

Arithmétique et Recherche

Les histoires positives et les fins heureuses sont passées sous silence, mais les réalités d’un monde à 1°C le sont tout autant. Le fait est que nous persistons dans la destruction de notre climat, nous dirigeant à toute allure vers la création d’un état climatique et environnemental que notre planète n’a pas connu depuis 50 millions d’années.

Quand on parle de réchauffement climatique, il est important de garder en tête qu’il s’agit là d’une augmentation moyenne des températures à travers le monde. Certaines régions vivront une augmentation des températures inférieure à cette moyenne, mais d’autres expérimenteront des niveaux bien supérieurs à cela. Les pôles par exemple, sont particulièrement sensibles à la hausse des températures, et, par conséquent, les Peuples Indigènes de l’Arctique font face à des hausses de température de 5–8°C. De la même manière, l’objectif de 2°C de l’Accord de Paris se traduira par un réchauffement de 4°C dans les zones sèches.

Ces objectifs arbitraires ne correspondent donc pas à des calculs exacts de ce qui est sans danger: rester en dessous de 2°C n’empêchera pas une hausse catastrophique des températures dans les villes d’Asie du sud, selon une étude récente. Dans tous les cas, à l’allure à laquelle nous allons, nous devrions atteindre un réchauffement de 1.5°C par rapport aux niveaux pré-industriels dans les dix prochaines années. Selon l’Agence Internationale de l’Énergie, sur les vingt six indicateurs qui mesurent les progrès vers l’objectif de 2°C, seulement trois sont sur la bonne voie. Notre seul espoir de rester sous les 1.5°C réside en de profondes réductions des émissions: une sortie immédiate du charbon, un passage rapide à l’électrique dans le secteur des transports, zéro émissions dans le secteur de la construction, la fin de la déforestation, et l’application des meilleures pratiques dans l’agriculture et la gestion des territoires.

Durant l’“Anthropocène”, les humains ont jusqu’alors été la principale force géophysique — il y a maintenant plus de deux cents nouveaux minéraux créés par des procédés humains. Nous déversons près de 9 millions de tonnes de plastique dans les océans chaque année. Et pour ajouter à l’absurdité de cette ère, les Emirats Arabes Unis projettent de remorquer des icebergs de l’Antarctique au Moyen Orient pour en récupérer l’eau potable.

Des déchets plastique polluent le Monument National Marin de Papahanaumokuakea à Hawaii | Crédit: Foundation for Information and Research on Marine Mammals

Selon les prévisions, le niveau de ces mêmes océans emplis de plastique devrait monter de plus du double par rapport aux estimations minimales du GIEC — le Groupe d’experts Intergouvernemental sur l’Evolution du Climat — de 2013. Les dernières études suggèrent que dans les quatre vingt prochaines années — le temps d’une vie humaine — la montée du niveau des mers pourrait atteindre 3 mètres. De nouvelles recherches montrent que même une légère hausse du niveau des océans (5–10 cm seulement) dans les décennies à venir doublera les risques d’inondations pour les villes côtières. Et si toutes les zones côtières en basse altitude seront touchées, de nouvelles analyses statistiques montrent que les régions tropicales font d’ores et déjà face à une hausse rapide du nombre d’inondations autrefois rares.

Tout aussi alarmant, de nouveaux cycles météorologiques dangereux comme “El Tio” pourraient se traduire par des changements climatiques plus extrêmes encore; un El Niño pourrait se former de nouveau cet été, un an seulement après la fin d’un des plus puissants jamais enregistrés.

La Banque Mondiale a observé que les coûts humains et économiques des catastrophes naturelles ont été sous-estimés, sous estimation pouvant atteindre jusqu’à 60%. Selon une autre estimation, nous pourrions bientôt devoir mobiliser 300 milliards de dollars par an pour compenser les pertes dues aux changements climatiques. Et il y a de fortes chances que la somme réelle soit bien supérieure à cela.

Notre monde est fondamentalement interconnecté. De nouvelles recherches ont démontré que la pollution européenne était la responsable directe d’une des sécheresses les plus violentes qu’ait jamais connu l’Inde. En 2000, le nord ouest de l’Inde subissait l’une des plus ahurissante chute des précipitations (40%); causée, selon des recherches de l’Imperial College, par une augmentation des émissions de dioxyde de sulfure dans les zones industrielles européennes.

Ces conditions météorologiques extrêmes, causées par le réchauffement climatique, auront des conséquences désastreuses sur les récoltes de cultures vivrières cruciales, avec des diminutions de 23% du rendement dans les 30 prochaines années selon les scientifiques. Les prévisions sont si extrêmes que le magazine Forbes, pourtant pas vraiment le meilleur porte parole de la justice écologique, déclare “Unless it Changes, Capitalism will Starve Humanity by 2050” — “A moins que cela ne change, le capitalisme réduira l’humanité à la famine d’ici 2050”.

Dans un nouvel axe de recherche, des médecins ont mis en évidence certains impacts des changements climatiques sur la santé publique. En ce qui concerne l’alimentation, ils déclarent que l’augmentation des concentrations de CO2 s’associe à une diminution de la valeur nutritive de produits comme le blé et le riz. Les plantes produisent moins de protéines, et plus d’amidon et de sucres, dans une atmosphère riche en CO2, et elles absorbent moins facilement les minéraux présents dans le sol. Et si davantage de malnutrition n’était pas suffisamment inquiétant, on s’attend également à un retour de la fièvre jaune.

La violence des changements climatiques ne s’abat cependant pas seulement sur les Hommes. Les niveaux d’oxygène de nos océans diminuent 2 à 3 fois plus vite que prévu, et ils deviennent si pollués qu’ils érodent le système immunitaire de mammifères marins tels que les dauphins. Des castors ont été observés dans la toundra du Yukon pour la première fois, resultat de “l’arbustification” de l’Arctique qui pousse les espèces herbivores de plus en plus vers le nord. En Colombie, les papillons et les fleurs migrent vers le sommet des montagnes à la recherche d’un refuge climatique.

L’Arctique gelé, bientôt un souvenir du passé? | Crédit: NASA

Si cela vous empêche déjà de dormir la nuit, il va falloir vous y habituer: une étude récente affirme que les insomnies deviendront plus fréquentes à mesure que le réchauffement climatique s’accélère. Et cela d’autant plus dans les villes, où le réchauffement pourrait atteindre un insoutenable 8°C d’ici 2100, comme le prédit une nouvelle étude. Le pire dans tout ça, c’est que ce phénomène amènera de plus en plus de gens à acheter des systèmes de climatisation, qui eux mêmes causeront plus d’émissions, elles mêmes causant plus de réchauffement, et ainsi de suite.

Sur une note légèrement plus positive, une étude récente a démontré que les recherches précédentes avaient sous estimé l’étendue des zones couvertes par la végétation. Des forêts ‘cachées’ contribuent ainsi à la lutte contre le réchauffement climatique. Et les mentalités changent: une enquête dévoilée ce mois-ci montre que 84% de la population est prête à remettre en cause leurs standards de vie pour éviter le chaos climatique.

Des impacts partout dans le Monde

Les Pôles

En Antarctique, le réchauffement climatique ‘verdit’ le continent, la hausse des températures permettant aux premières plantes de proliférer. La fonte des glaces brise d’anciennes structures, comme le montre l’apparition d’une nouvelle brèche dans l’énorme plateau de banquise Larsen C.

Les glaciers en Antarctique sont des “systèmes à seuil”; ils se développent, puis s’effondrent. La perte de glaciers dans l’ouest de l’Antarctique, comme le glacier de Thwaites, pourrait bien déstabiliser la planète entière, et de manière très soudaine. Le géologue Richard Alley, de l’Université de Penn State explique: “les changements dans l’ouest de l’Antarctique pourraient avoir un impact sur les zones côtières du monde entier similaire à celui que l’ouragan Sandy a eu en quelques heures sur New York City. A l’exception près que lorsque l’eau s’introduira dans ces zones, elle ne se retirera pas après quelques heures, elle restera.” Les études suggèrent que le réchauffement des océans fait fondre la banquise de l’Antarctique, favorisant son effondrement rapide et la montée du niveau des mers. Comme le suggère Justin Gillis dans le New York Times, “la banquise de l’Antarctique est peut être dans les premières phases d’une désintégration inévitable.” Une telle destruction pourrait déclencher une montée immédiate du niveau des mers à l’échelle globale, et d’une telle intensité que des millions de personnes auraient à se réfugier dans les terres.

Dans l’Arctique, le niveau de la banquise n’a jamais été aussi bas, alors que les températures moyennes en Avril sont montées jusqu’à 14°F au delà des normales. Les scientifiques estiment maintenant que l’Arctique sera totalement dépourvu de glace d’ici 2040, ce qui implique aussi que, dans les décennies à venir, des navires non brise-glace pourront occasionnellement naviguer en Arctique. Dans la toundra subarctique, la fonte du permafrost transforme des zones autrefois considérées comme des puits d’absorption du carbone en sources d’émissions. Témoignage inquiétant de cette fonte rapide, la réserve mondiale de graines, la Svalbard Global Seed Vault — une coffre fort “infaillible” détenant les réserves de semances du monde entier, supposé garantir l’approvisionnement en nourriture de notre planète, et enterré dans le flanc des montagnes de l’Arctique — a été inondée ce mois-ci à cause de la fonte des glaces.

Un éleveur de rennes Nenet dans la péninsule du Yamal, en Russie | Crédit: Survival International

L’Arctique n’est pas une vaste étendue de glace inhabitée, et les communautés Indigènes souffrent aussi du réchauffement — les populations de rennes diminuent avec des conséquences dévastatrices pour les éleveurs. Les conséquences culturelles et psychologiques que cela entraîne sont profondes — pour nous tous mais surtout pour les Peuples Indigènes comme les Inuit du nord du Canada qui font maintenant face à une redéfinition même de ce qu’ils sont:

Nous sommes le peuple de la banquise. S’il n’y a plus de banquise, comment pouvons nous être le peuple de la banquise?

L’Afrique

Les Peuples Indigènes d’Afrique aussi font face à des menaces existentielles qui ne proviennent pas uniquement des impacts à long terme des changements climatiques mais aussi directement de ceux qui sont responsables de ces changements, comme l’agro-industrie de grande échelle, ou les projets d’infrastructures gigantesques, selon une étude récente.

La route du Nil, l’un des symboles les plus emblématiques de l’Afrique, va elle aussi être profondément altérée par les changements climatiques: des niveaux de précipitations allant d’un extrême à l’autre vont frapper le fleuve, lui faisant perdre son rythme historique pour finalement osciller entre inondations et sécheresses cinglantes. Les 400 millions de personnes dont l’existence dépend du fleuve font face à un avenir incertain, notamment concernant leur accès à l’eau.

Le Nil, fleuve emblématique de l’Afrique, pourrait bientôt être méconnaissable | Crédit: NASA

L’insécurité liée à l’accès à l’eau n’est pas un problème du futur, c’est au contraire une problématique très actuelle, et les pénuries privent des millions de personnes d’alimentation, poussant de nombreux états au bord de la famine. En Afrique de l’Est, cette famine pousse les populations à abandonner leurs terres. Les estimations les plus récentes concernant le déplacement des familles en Ethiopie montrent que ce nombre a doublé depuis octobre 2016. La dégradation des zones humides du Sahel détruit les écosystèmes et les moyens de subsistance, générant également des déplacements.

L’insécurité alimentaire est également un défi majeur. En l’espace d’un an, le prix de la farine de maïs a augmenté de 31%, le lait de 12%, et le sucre de 21%. De nombreuses familles ne vivent que d’un repas par jour, ce qui crée de graves problèmes de malnutrition et de déficiences nutritives. La malnutrition se généralise chez les enfants. Dans les zones les plus touchées au Kenya — dans le Turkana, le Marsabit et le Mandera — un tiers des nourrissons souffre de sévère malnutrition.

Sur les côtes kenyanes, le problème n’est pas tant la sécheresse que les fortes précipitations, qui ont causé inondations et glissements de terrain, emportant avec eux des dizaines de vies et forçant des dizaines de milliers d’autres à fuir. De tels impacts touchent les éleveurs et nomades le plus sévèrement, chaque sécheresse leur coûtant d’incalculables quantités de bétail.

L’Asie

Des inondations éclair dans le nord du Bangladesh ont coûté au pays 700,000 tonnes de récoltes potentielles de riz. Le pays fait également face à une grave crise d’accès à l’eau potable, causée par une combinaison d’inondations par les marées, d’ondes de tempêtes, et d’infiltration progressive de l’eau de mer. La combinaison de ces facteurs accentue la salinité des nappes phréatiques et des bassins d’eau douce. Sur les 35 dernières années, cette salinité a augmenté d’environ 26% — rendant l’eau potable beaucoup plus rare. Et ce sont les femmes qui font le plus sévèrement les frais de cette crise: alors que la sécheresse s’acharne sur le sud de l’Inde, les femmes se voient obligées de creuser des dizaines de nouveaux puits pour accéder à l’eau.

La consommation d’eau salée a des conséquences sévères pour la santé, et a été associée à différentes pathologies. Aneire Khan, chercheur médical, a conduit une enquête sur 1,500 femmes sur les côtes du sud ouest du Bangladesh, et a découvert des taux nettement plus élevés de prééclampsie et d’hypertensions pendant la grossesse. “Plus l’eau qu’elles consomment est chargée en sel, plus le taux d’hypertension et de prééclampsie était élevé” explique Khan.

Des centaines de milliers de personnes ont dû être évacuées au Bangladesh lorsque le Cyclone Mora a détruit les immeubles et inondé des quartiers entiers | Crédit: AFP

De telles transformations dans les zones côtières contribuent de manière significative au déplacement des populations, faisant du Bangladesh l’épicentre d’une grande partie de la migration climatique globale. Environ 20 millions de personnes seront déplacées au Bangladesh dans les cinq prochaines années, selon les estimations du GIEC. Fin mai, des vagues de chaleur ont balayé Dhaka, causant des centaines de malaises de travailleurs dans les usines textiles et forçant ces dernières à fermer leurs portes.

En ce moment même, le gouvernement du Bangladesh tente d’évacuer 450,000 de personnes avant que le Cyclone Mora ne débarque. Le Cyclone a déjà dévasté les camps de réfugiés de Rohingya, qui ont fuit massacres et persécutions dans la région voisine de Myanmar. Il a aussi entraîné des inondations et des glissements de terrain au Sri Lanka, causant au moins 180 morts.

Comme nous le mentionnions le mois dernier, la sécheresse dans le Delta de Cauvery en Inde est si grave que des agriculteurs sont poussés au suicide, les récoltes s’effondrant et les dettes s’amassant. La pression est telle que ceux qui ne s’ôtent pas la vie volontairement décèdent de crises cardiaques dans des proportions inhabituellement élevés. La sécheresse, qui ne touche pas seulement le Delta, mais aussi tout le Tamil Nadu, s’installe. Les réservoirs d’eau de l’état détiennent 81% de moins d’eau que la moyenne habituelle. Par ailleurs, plus d’une dizaine de personnes a trouvé la mort pendant les vagues de chaleur qui ont touché Telangana.

Au Pakistan, les citoyens de Turbat ont vécu le jour le plus chaud jamais enregistré dans le pays, le mercure atteignant 53.5°C. Au Vietnam, les changements climatiques affectent la salinité des bassins d’eau qui forment le Delta du Fleuve Mékong, menaçant l’existence de millions de personnes.

Le Pacifique

Dans le Pacifique, le Cyclone Donna, le plus puissant jamais enregistré pour un mois de mai dans l’hémisphère sud, a entraîné des pluies torrentielles à Vanuatu et en Nouvelle Calédonie. Avec de tels impacts, il n’est pas surprenant d’apprendre que des dizaines de millions de personnes sont déplacées chaque année par des événements climatiques, sans aucune loi pour assurer leur protection. Bien que le problème ne soit pas propre au Pacifique, c’en est peut être l’exemple le plus frappant, alors que des îles entières commencent à disparaître sous les eaux.

Pour tenter de remédier au problème, la Banque Mondiale a appelé les riches nations du Pacifique, telles que l’Australie ou la Nouvelle Zélande, à adopter des programmes de ‘migration structurée’ pour faciliter la migration depuis les îles du Pacifique, au lieu d’attendre des mouvements climatiques forcés à l’avenir. Le passif du gouvernement australien dans sa gestion inhumaine des réfugiés en dit long, tout comme sa tentative de “sauvetage” de la Grande Barrière de Corail, que les scientifiques demandent de classer en tant que site en péril au Patrimoine Mondial de l’UNESCO. Un autre site australien classé au Patrimoine Mondial, la région des Montagnes Bleues, vient d’être inondé de déchets miniers après l’effondrement d’une digue de retenue.

Les Amériques

Les changements climatiques menacent la ville portuaire de Carthagène en Colombie, et défigure les côtes du Honduras, alors que les mers recouvrent les terres, empiétant sur les habitations. La montée du niveau des mers n’est pas la seule menace environnementale qui pèse sur l’Amérique Centrale: comme le montre une étude récente, le commerce de la cocaïne détruit des pans entiers de forêt dans cette région, affaiblissant la capacité naturelle de la région à absorber les impacts d’événements météorologiques toujours plus extrêmes.

Une sécheresse catastrophique s’abat sur près des trois quarts de Cuba, et des sécheresses intenses ont également répandu la misère à travers l’Amérique Centrale — au Guatemala, la lagune d’Atescatempa a complètement disparu. Au même moment en Colombie, des centaines de familles ont dû être évacuées après la montée des eaux des fleuves et rivières dans la Vallée de Cauca. Le pays lutte également contre la montée du niveau des eaux et la déforestation. Le Canada, lui aussi, a vécu ce mois-ci certaines des pires inondations des dernières décennies, Montréal déclarant l’état d’urgence alors que le Missouri, le Mississippi et l’Arkansas traversent également des inondations record.

Inondations dans le quartier de Cartierville à Montréal | Crédit: Exile on Ontario St

Aux Etats-Unis, dans les cinquante dernières années, trente neuf des glaciers du Parc National de Glacier ont reculé de près de 85%; et les scientifiques affirment qu’il est maintenant inévitable que le pays perde le reste de ses glaciers dans les décennies à venir.

Les mouvements humains causés par les changements climatiques continuent rapidement de croître, et ce même dans ce pays autodéclaré plus grande nation du monde, avec au moins dix sept communautés forcées à se relocaliser à cause des changements climatiques. Et cela ne se manifeste pas toujours comme on l’attend: Miami traverse ce qu’on pourrait appeler une ‘gentrification climatique’, alors que la montée du niveau des eaux empiète sur les propriétés du bord de mer, les riches propriétaires cherchent de nouveaux terrains plus en altitude, forçant les résidents à se relocaliser. Les inégalités sont profondes aux USA, où la conception même des villes implique que les quartiers les plus pauvres sont les premiers et les plus sévèrement touchés par les événements météorologiques extrêmes comme le démontre si clairement cet article.

L’Europe

Alors que les emblématiques glaciers alpins, comme le Morteratsch, continuent de reculer, le gouvernement suisse tente désespérément de remédier au problème avec un projet qui consiste à utiliser 4,000 canons à neige pour tenter de ralentir le phénomène.

Moscou a été frappée par un orage d’une rare violence, coûtant la vie à 16 personnes au moins et endommageant la structure de plusieurs bâtiments. Pendant ce temps, en Sibérie, l’état d’urgence a dû être déclaré alors que le pays était dévoré par les flammes, brûlant une ville entière en l’espace d’une heure.

Les impacts des changements climatiques se ressentent aussi en Europe du sud, d’une manière moins dramatique cependant, avec une sécheresse qui s’abat sur l’Italie, la Grèce et l’Espagne,entraînant une hausse nette des prix de l’huile d’olive.

Un orage monstre s’abat sur Moscou, causant de nombreuses chutes d’arbres et la mort de 16 personnes au moins | Crédit: BBC

Malos Gobiernos

“Notre lutte est pour la paix, et le mauvais gouvernement annonce guerre et destruction.”

Alors qu’on peut affirmer sans crainte que, d’un point de vue de justice climatique, l’ensemble des gouvernements nationaux actuels sont mauvais, ils ne le sont pas tous à même échelle: comme le montre clairement cette carte, les états les plus pauvres sont ceux qui montrent la voie en terme d’action climatique.

A l’inverse, les soit disant pays développés, eux, sont à la traîne. Par exemple, le gouvernement du Royaume-Uni continue de verser à l’industrie du charbon 365 millions de livres par an en subventions, et les pays de l’Union Européenne, cumulent collectivement un total d’1 milliard de dollars de subventions pour l’industrie du charbon depuis la signature de l’Accord de Paris.

De l’autre côté de l’Atlantique, l’érosion des politiques environnementales par Trump perdure; les coupes budgétaires instiguées par son administration dans le secteur climatique pourraient aboutir à un demi milliard de tonnes d’émissions de CO2 supplémentaire. Trump essaie également de revenir sur l’interdiction des forages pétroliers en Arctique, et cherche à affaiblir les références aux changements climatiques faites dans la déclaration ministérielle biannuelle du Conseil de l’Arctique ce mois-ci.

La grosse info climatique qui a suivi Trump tout au long de son premier voyage à l’étranger récemment, était l’imminence de sa décision de retirer les Etats-Unis de l’Accord de Paris, qu’il a apparemment décidé de poursuivre. Pour ajouter à l’inquiétude ambiante, il semblerait que Trump soit tenté par la fantaisie des projets de géoingénierie. Au sein de son Agence pour la Protection de l’Environnement, les climatologues ont été licenciés, puis remplacés par des représentants de l’industrie. Le scientifique qu’il semble vouloir mettre à la tête de l’USDA — le département de l’agriculture — n’est même pas un scientifique.

Les attaques de Trump sur les politiques environnementales sont si violentes que ce sont maintenant les représentants de l’industrie pétrolière qui lui demandent d’y aller doucement, par peur d’un retour de boomerang d’une égale violence. Et dans le même genre d’ironie, le premier parc éolien des Etats-Unis a dû proposer un plan de réponse en cas de fuite de pétrole plus stricte que celui de la Dakota Access Pipeline.

Le gouvernement australien, lui, complémente son soutien aux industriels aux Nations Unies, d’une série de décisions aux conséquences dévastatrices pour la planète. Parmis elles, l’approbation d’un énorme gazoduc dans les territoires du nord, et ce malgré une opposition féroce des communautés Aborigènes; des coupes budgétaires dans la recherche sur l’adaptation aux changements climatiques; et un demi tour à 180 degrés sur un accord antérieur concernant des redevances de la mine de charbon Carmichael, le projet étant donc maintenant de nouveau en route.

Au Brésil, le gouvernement du coup a licencié le chef de l’agence Indigène, malgré un mouvement contestataire majeur de la part des communautés Autochtones. Il a aussi renvoyé Thelma Krug, chef du département anti-déforestation, après un conflit concernant des données d’état. Le gouvernement est aussi en train de réduire à néant son programme anti-esclavage, une initiative qui avait pourtant été acclamée et dont le but est de lutter contre l’esclavage moderne. En plus de ça, le gouvernement se lance dans une réduction à grande échelle de ses politiques environnementales, affaiblissant la conservation des territoires Indigènes, et donnant le feu vert à des projets immobiliers majeurs. Le lobby de l’agro-industrie dans le pays cherche à démanteler entièrement la fondation nationale de l’Indien (Funai) dont le rôle est pourtant crucial.

Nous perdons l’Amazonie, et avec, les peuples qui la défendent | Crédit: NASA

Au même moment, les pires meurtres de ces dernières décennies, liés à des disputes territoires hantent l’Amazonie. Une étude récente de l’ONG environnementale brésilienne Imazon a révélé que la déforestation dans les zones conservées de l’Amazonie a augmenté de 80% entre 2012 et 2015, un phénomène largement lié à l’agro-industrie.

Bien que la déforestation semble être principalement le fléau de pays en développement comme le Brésil et la Bolivie, ce mois-ci des scientifiques ont également émis des avertissements inquiétants concernant la dernière forêt primaire d’Europe, la Forêt de Białowieża en Pologne, classée au Patrimoine Mondial de l’UNESCO, et qui selon eux est au bord de l’effondrement, à cause de l’exploitation forestière illégale répandue dont elle fait l’objet.

Même les supposés ‘gentils’ au pouvoir semblent vouloir accélérer le réchauffement climatique à tout prix. Le gouvernement norvégien veut ouvrir de nouvelles zones de l’Arctique à l’exploitation pétrolière, et sa compagnie pétrolière publique Statoil effectue de profondes coupes budgétaires dans ses politiques de contrôles d’hygiène et de sécurité pour faire baisser les prix, entraînant une hausse dans la récurrence fuites et incidents sérieux.

En France, Emmanuel Macron a battu Marine Le Pen dans la course à la présidence. Et bien que son appui pour une sortie du charbon d’ici 2022, pour une hausse du prix du carbone, et pour des sanctions commerciales pour les états polluants, sont tous des signaux prometteurs, les gouvernements libéraux ont la fâcheuse tendance à assurer sur la rhétorique mais beaucoup moins quand il s’agit d’inculquer de vrais changements — comme le montre si bien Justin Trudeau.

La Chine, elle, s’embarque dans un ambitieux nouveau programme de “développement” qui, selon les critiques, suppose d’importants dommages environnementaux, avec notamment le dynamitage de rares espèces de poisson-chat du Fleuve du Mékong pour faire place à de nouveaux axes de transport maritime.

Le gouvernement chinois a aussi commencé à extraire du gaz d’hydrates de méthane dans le sud du pays. Les hydrates de méthane sont des mélanges gelés d’eau et de gaz situés sous le permafrost, mais aussi sous les sédiments océaniques. Le projet est vu comme une révolution pour le marché global du gaz, mais ses implications pour l’avenir des énergies propres sont inquiétantes.

Nous avons aussi assisté ce mois-ci au rassemblement, une fois de plus, des gouvernements, industriels, et ONGs, à Bonn, en Allemagne, pour des discussions sous la houlette de la Convention Cadre des Nations Unies sur les Changements Climatiques. Bien que l’Accord de Paris ait été ratifié, les décisionnaires politiques peaufinent encore le ‘règlement’ et discutent de potentielles actions (si action, il y a) pour réduire les émissions dans la période critique des quatre prochaines années. Bien que cette réunion ait un caractère largement technique, ces deux semaines se sont terminées par une série de conclusions en amont de l’annuelle COP en Novembre (qui prendra aussi place à Bonn). Mais ce qui a réellement marqué ces négociations, c’est la mise en évidence de l’échec cuisant des Nations Unies à régler la problématique des conflits d’intérêt. Certains pays prennent férocement la défense des compagnies d’énergies fossiles et de leur rôle dans le façonnement des politiques globales, malgré le fait que Santos — une compagnie d’énergies fossiles — ait elle-même reconnu ce mois-ci que son modèle économique suppose un réchauffement catastrophique de 4°C.

Des activistes appellent les Nations-Unis à agir sur la problématique des conflits d’intérêt | Crédit: Claire Miranda, Asian Peoples Movement on Debt & Development

Au vue de l’échec historique des gouvernements pour réduire les émissions, il n’est probablement pas si surprenant qu’ils soient maintenant tentés par le calice empoisonné des “technologies à émissions négatives”, que les scientifiques de l’université de Stanford qualifient de “paris à hauts risques”. L’une de ces “solutions”, le CCS (Carbon Capture and Storage — un procédé dont le but serait d’emprisonner, puis de stocker le carbone sous terre) a été qualifiée de “total bullshit” — entendez, connerie monumentale — par Michael Bloomberg. Un rapport scientifique, légèrement plus diplomatique, sur le potentiel des BECCS (bioenergy, carbon capture and storage) questionne aussi la pratique. Wolfgang Lucht, l’un des auteurs du rapport, a déclaré: “Le danger est que c’est présenté comme une option réaliste et faisable. Alors qu’en réalité il faut penser au problème de la décarbonisation sans considérer ceci comme une réelle option”.

Les forêts et les terres jouent un rôle clé dans le cycle du carbone, et la gestion appropriée des ces éléments est une nécessaire part de la stratégie de lutte contre les changements climatiques. Pourtant, de nombreux pays comme les USA minimisent sérieusement le rôle de leur industrie d’exploitation forestière dans leurs émissions.

Nos frères et soeurs d’armes

C’est avec un immense chagrin que nous reportons que l’épidémie meurtrière qui touche les défenseurs de vie continue.

En Colombie, 25 représentants de communautés ont été assassinés depuis le début de l’année selon Human Rights Watch, y compris le leader Indigène Nasa Felipe Castro Basto au Cauca ce mois-ci, alors que dans une zone reculée de l’Amazonie du Brésil, connue pour ses conflits liés aux territoires et à la déforestation, 9 personnes ont été assassinées en seulement une journée le mois dernier.

L’ampleur de l’intimidation ne cesse de croître: au Honduras ce mois-ci, les communautés Garifuna dans la Baie de Trujillo sont criminalisées et persécutées par Patrick Forseth, un nabab du business canadien qui veut implanter ses projets de développement sur leurs terres, alors qu’en Argentine, Agustin Santillan — un leader Wichi emprisonné pour avoir demandé justice pour sa communauté — demeure aujourd’hui encore derrière les barreaux.

Ces types d’attaques et de menaces ne sont pas propres à l’Amérique Latine. En Inde, des lois contradictoires criminalisent les communautés des forêts qui exercent leurs droits de défense de ces territoires. En Odisha, des femmes sans terres ont été attaquées pour avoir défendu leurs droits sur les forêts. Et même dans une supposée démocratie libérale comme l’Australie, l’Etat exploite les avenues légales potentielles pour malmener les manifestants et mettre sous silence la contestation contre les projets d’extraction d’énergies fossiles.

Mais peu importe la violence des persécutions, il y aura toujours de courageux défenseurs qui persévèreront, et dont on se souviendra comme de ceux qui se sont tenus du bon côté de l’histoire. Récemment, lors d’un rassemblement en Géorgie, des activistes venus de Géorgie, du Niger, du Myanmar, et d’Inde, ont échangé leurs histoires et expériences de répression et de violence étatique en réponse à leur combat environnemental, mais aussi leurs stratégies de résistance. Au Pérou, La Cour Suprême a ce mois-ci confirmé l’acquittement de Máxima Acuña, qui continue de représenter un symbole de défiance face au projet suspendu de la mine d’or de Conga de Newmont.

Máxima Acuña | Crédit: LaMula.pe

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Global justice writings on the climate crisis and the struggles for a dignified life